L’émergence du télétravail, accélérée par la pandémie de Covid-19, a apporté son lot d’avantages en termes de flexibilité, de gain de temps et d’efficacité. Pourtant, une conséquence inattendue est apparue dans les comportements : un manque croissant d’indulgence entre les collègues, les supérieurs et même les clients. Alors que le télétravail était vu comme une solution temporaire pour répondre à la crise, il est désormais solidement ancré dans de nombreuses entreprises. Cependant, la distance physique entre les membres des équipes a eu un impact profond sur la dynamique humaine et la manière dont nous interagissons les uns avec les autres.
Dans cet article, nous allons explorer comment le télétravail a exacerbé la froideur et l’impatience dans les relations professionnelles, quelles en sont les causes profondes et comment restaurer une forme d’indulgence pour rendre le travail à distance plus humain.
1. La barrière de l’écran : déshumanisation progressive des interactions
Lorsque nous communiquons exclusivement par des écrans, une part importante de l’humanité dans les échanges disparaît. La communication en face à face permet d’ajouter des nuances émotionnelles, comme le langage corporel, les expressions faciales et même les micro-expressions, qui rendent nos interactions plus empathiques et compréhensives. En télétravail, ces éléments sont réduits ou absents, ce qui entraîne des malentendus plus fréquents et une perception d’indifférence.
Les vidéoconférences, pourtant perçues comme une alternative au présentiel, ne remplacent pas la richesse des interactions physiques. En effet, elles sont souvent entachées de coupures, de décalages audio ou de soucis techniques, qui augmentent la frustration. Ce contexte technique favorise un climat où l’efficacité prend le pas sur la patience. Les silences sont mal interprétés, les prises de parole plus abruptes, et la compassion naturelle dont on fait preuve en présentiel s’efface peu à peu.
Le cas des feedbacks négatifs
Dans de nombreuses entreprises, le feedback des managers vers leurs équipes s’est durci. Avant la pandémie, un manager pouvait adoucir un commentaire négatif en utilisant des signaux non verbaux ou en créant une discussion plus informelle lors d’une réunion en personne. Mais en visioconférence, ces retours deviennent souvent directs et sans nuance. De plus, les collaborateurs n’ont plus l’occasion de se croiser dans un couloir ou autour d’une machine à café, où ces interactions pouvaient être adoucies ou clarifiées de manière informelle. L’indulgence, qui passe souvent par des gestes simples de réassurance, a disparu, laissant place à un environnement de travail plus brutal.
2. L’isolement : un facteur d’accroissement de l’impatience
Le télétravail a renforcé l’isolement de nombreux salariés. Cet isolement, souvent ressenti à long terme, a des conséquences sur le moral et la capacité à faire preuve d’empathie. Le fait de ne plus voir ses collègues au quotidien et de ne pas partager de moments informels accentue une sorte de « déconnexion humaine ». Cette distance émotionnelle alimente le stress et l’impatience, tant au niveau des employés que des managers.
En situation de télétravail, chaque collaborateur est plongé dans son propre univers, jonglant souvent avec des contraintes familiales ou personnelles. Cela peut créer des tensions supplémentaires. Les mails et les messages instantanés deviennent l’unique mode de communication, où les demandes sont souvent perçues comme des ordres. L’indulgence, qui est cette capacité à comprendre et à tolérer les erreurs ou les retards des autres, s’effrite. Le stress personnel se transpose sur les autres, renforçant l’hostilité des échanges.
Les délais de réponse
De nombreux collaborateurs rapportent que les attentes en matière de réactivité se sont accrues depuis la généralisation du télétravail. Là où, dans un bureau, un retard dans la réponse à un email pouvait être justifié par une réunion ou un déplacement, ce même retard est désormais mal perçu. Les équipes sont souvent soumises à la pression d’être disponibles à tout moment, et le moindre délai est interprété comme un manque de sérieux ou de professionnalisme, réduisant ainsi l’indulgence mutuelle.
3. Une productivité déshumanisante : la montée en puissance des KPI
Avec l’avènement du télétravail, de nombreuses entreprises ont mis en place des outils de surveillance de la productivité (KPI, logiciels de suivi des tâches, etc.). Ces outils, s’ils peuvent améliorer l’organisation du travail, ont aussi un effet pervers : ils accentuent la déshumanisation des relations. Les employés sont évalués en fonction de leur rendement plutôt que de leur créativité ou de leur capacité à collaborer efficacement. Ce mode de gestion par les chiffres laisse peu de place à l’erreur ou aux moments de pause, et contribue à une mentalité où l’indulgence est vue comme une faiblesse.
Les réunions non-stop
Les réunions en ligne, parfois enchaînées sans pauses, sont une autre source de cette fatigue et d’une absence de tolérance. Dans un environnement physique, il y avait des moments pour se déconnecter mentalement, même brièvement. En ligne, il est devenu fréquent de passer d’une réunion à l’autre, sans transition, avec une exigence de concentration constante, ce qui finit par réduire la capacité de chacun à être indulgent face aux erreurs des autres.
4. Comment restaurer l’indulgence dans un monde de télétravail ?
Bien que ces défis puissent sembler insurmontables, il existe des moyens concrets de restaurer l’indulgence et de rendre le télétravail plus humain. Voici quelques suggestions :
- Réintroduire des moments informels : Planifiez des moments informels en visioconférence, comme des « pauses café virtuelles », pour recréer les interactions spontanées et légères qui existaient au bureau. Cela aide à reconstruire les liens entre collègues et à diminuer les tensions.
- Renforcer la communication non-verbale : Encouragez les caméras lors des réunions, mais aussi le fait de reconnaître l’importance du langage corporel et des émotions exprimées à l’écran. Une simple écoute attentive, un sourire ou un hochement de tête peuvent réintroduire de la bienveillance dans les échanges.
- Pratiquer la patience et la flexibilité : Les managers doivent promouvoir une culture de la patience, en reconnaissant que le télétravail est nouveau pour beaucoup et que chacun s’adapte à son propre rythme. En tolérant les retards ou les erreurs et en proposant des solutions plutôt que des critiques, ils peuvent encourager une dynamique plus indulgente.
- Réduire la pression des outils de surveillance : Si les outils de productivité sont nécessaires, il est important de les utiliser de manière équilibrée. Mesurer les résultats doit être tempéré par une compréhension humaine du contexte dans lequel ces résultats sont obtenus.
En Conclusion
Le manque d’indulgence dans le monde du travail post-Covid est une conséquence inattendue mais bien réelle de la montée du télétravail. La déshumanisation des interactions, le stress de l’isolement et la pression accrue de la productivité ont tous contribué à un climat où la compréhension et la bienveillance se font plus rares. Cependant, il est possible de restaurer un climat plus indulgent en réintroduisant des pratiques qui favorisent l’empathie, la communication ouverte et la flexibilité. Car, à long terme, un environnement de travail où l’indulgence est présente sera non seulement plus agréable, mais aussi plus productif et plus innovant.
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